Le Président de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH), Dr Sixte Vigny NIMURABA, a présenté le Rapport annuel des activités réalisées en 2023, devant l’Assemblée Nationale, à l’Hémicycle de Kigobe, en date du 19 février 2024.
D’entrée de jeu, il a souhaité les Meilleurs vœux pour l’année 2024 aux Elus du peuple et aux cadres d’appui à cette Chambre basse. Ensuite, Dr NIMURABA a précisé que la présentation dudit rapport cadre avec le prescrit de l’article 35 de la Loi N°1/04 du 5 janvier 2011 portant création de la CNIDH. Les réalisations portent sur ses trois missions, à savoir : la protection et la défense des droits de l’homme, la promotion des droits de l'homme et le rôle consultatif auprès des institutions étatiques.
1. Protection et défense des droits de l’homme
1.1. Réception des plaintes : besoin de création des antennes provinciales
En vertu de l’article 4 de la loi susvisée, la CNIDH a réalisé plusieurs activités liées à la protection et défense des droits de l’homme. D’abord, elle a reçu des plaintes et enquêté sur les cas de violations des droits de l’homme. Sur les 761 saisines enregistrées, 604 ont été déclarées recevables et 157 irrecevables parce que ne relevant pas de la compétence de la CNIDH, soit fondées sur des rumeurs ou soit portant sur des affaires pendantes dans les juridictions. Les requérants sont ipso facto orientés vers les autres instances habilitées à les aider. Une telle situation prouve qu’il y a encore une nécessité de sensibiliser davantage la population sur les missions et la compétence de la CNIDH. Il sied de signaler que 437 saisines soit 57, 42% sont clôturées, tandis que 324, soit 42,57% sont encore en cours de traitement. La CNIDH envisage fournir plus d’efforts pour les clôturer. L’analyse des tendances saillantes montre que sur 761 saisines reçues 451 étaient liées aux droits civils et politiques, 120 tenant aux assistances diverses et 40 inhérentes aux droits économiques, sociaux et culturels. Il n’est pas superflu de mentionner que 119 saines ne relèvent pas des compétences de la CNIDH. Concernant des lieux de provenance, beaucoup de saisines sont enregistrées dans des provinces proches du siège de la CNIDH ou de ses antennes. Cette situation confirme le besoin de créer des antennes provinciales pour faire de la CNIDH une institution de proximité à toute la population.
1.2.Visite des cachots : surpopulation impressionnante
A propos de monitoring des lieux de détention, 355 visites ont été effectuées dans les cachots de police judiciaire et des parquets épars dans le pays. Au total, 4714 personnes y étaient détenues à différentes périodes, dont 4007 hommes, 406 femmes, 277 garçons et 24 filles mineurs. Suite au plaidoyer de la CNIDH, 1327 personnes détenues illégalement ou pour délits mineurs, [dont 1053 hommes, 147 femmes, 120 garçons et 7 filles], soit 28,15% des détenus, ont été remises en liberté. Cependant, la CNIDH a constaté une surpopulation qui dépasse l’entendement allant notamment jusqu’à un taux d’occupation de plus de 623% au Commissariat provincial de Kirundo et de 865,2% au Commissariat municipal de Bujumbura. Il a été également remarqué le problème criant de moyens de transfert des personnes dont les dossiers sont déjà clôturés. Quant à l’insuffisance du matériel de bureau soulevée intempestivement par les OPJ, la CNIDH leur a apporté un appui de 375 rames de papier et 313 paquets carbones à 112 postes de police judiciaire.
1.3.Visite des prisons : nécessité de respect du code de procédure pénale
La CNIDH a aussi effectué 51 visites des prisons et centres de rééducation des mineurs en conflits avec la loi. Des fois, ces visites ont été effectuées conjointement avec des représentants des parquets de base, des parquets généraux et des responsables de ces établissements pénitentiaires. La Commission a constaté que la population carcérale va croissant depuis les 5 dernières années. Pour la seule année 2023 sous rapport, les 11 prisons du pays abritaient 13565 prisonniers [dont 6794 condamnés et 6771 prévenus] sur une capacité d’accueil de 4294 prisonniers, soit 316% de taux d’occupation, sans compter les nourrissons vivant avec leurs mères. Dans les prisons de Gitega, Muramvya, Mpimba et Ngozi, l’effectif des détenus dépasse le triple de leur capacité d’accueil. Il en découle les mauvaises conditions de détention jusqu’à dormir sous la belle étoile ou dans les allées. Les causes de cette surpopulation sont notamment le recours inopportun à la détention préventive pour des infractions moins graves, la lenteur dans le traitement des dossiers judiciaires, le recours intempestif en appel contre des décisions judiciaires de remise en liberté des prévenus, la lenteur ou le manque de diligence dans l’exécution des ordonnances accordant la liberté provisoire. En plus, il y a le maintien en détention des personnes ayant bénéficié d’un acquittement définitif ou ayant déjà purgé leurs peines, surtout celles poursuivies pour atteinte à la sureté intérieure de l’Etat, participation aux bandes armées ou détention illégale d’armes à feu. Bref, Dr Sixte Vigny NIMURABA a indiqué aux Députés que tout est dû au non-respect de certaines dispositions du Code de procédure pénale par les OPJ, les procureurs et les magistrats. La CNIDH estime que la condamnation aux travaux d’intérêt général (TIG), le respect de la loi par toutes les parties prenantes et la grâce présidentielle contribueraient à la réduction de cette surpopulation carcérale
1.4.La santé mentale des prisonniers interpelle la diligence des autorités
Par ailleurs, entre juillet et décembre 2023, la CNIDH a recensé 134 malades mentaux dans tous les établissements pénitentiaires du pays. Elle a recommandé aux différents gestionnaires des lieux de privation de liberté de les transférer vers des prisons où la prise en charge médicale est disponible.
2. Promotion des droits de l’homme : socle de la paix et du développement durables
Dans la mission de promotion des droits de l’homme (art.5), la CNIDH a organisé 9 ateliers de formation des différentes catégories : 118 présidents des tribunaux de résidence, 35 prélats, 84 professionnels des médias, 17 jeunes rapatriés, 25 représentants des institutions étatiques, non-étatiques et onusiennes, 55 handicapés, 100 étudiants, 50 femmes leaders et 120 policiers. A ceux-là s’ajoutent 2 campagnes de sensibilisation de 440 sinistrés et 24 rapatriés. Ces activités ont été réalisées avec l’appui du budget de l’Etat et dans le cadre des projets financés par l’Union Européenne, la Coopération suisse et le HCR. La CNIDH a en outre participé à 4 activités de promotion organisées par ou conjointement avec ses partenaires.
3. Rôle consultatif : nul n’est une île
Dans le rôle consultatif (art.6), la CNIDH a formulé des recommandations à l’endroit du Ministère de la Justice, du Ministère de l’intérieur, du développement communautaire et de la sécurité publique ainsi qu’au Président de la Cour Suprême.
La CNIDH a non seulement coopéré avec les OSC ; mais aussi elle a interagi avec les organes des traités et le Conseil des droits de l’homme. La CNIDH a répondu aux appels à contributions des Organes des traités et des Procédures spéciales portant sur diverses thématiques en rapport avec les droits de l’homme.
1. Situation des droits de l’homme dans le pays est généralement bonne
La CNIDH a décrit l’état des lieux des droits de l'homme qui a prévalu au cours de l’année 2023. Au regard de l’analyse faite sur les plans politique, sécuritaire, judiciaire et socio-économique du Burundi, la situation des DH était généralement bonne. Néanmoins, l’orateur Dr Sixte Vigny NIMURABA a signalé une embuscade a été tendue à Buringa en commune de Gihanga de la province de Bubanza, dans la nuit du 2 au 3 septembre 2023 et une autre attaque terroriste revendiquée par RED Tabara a été perpétrée à Vugizo dans la zone Gatumba de la commune Mutimbuzi, dans la nuit du 22 au 23 décembre 2023. En plus, les conflits fonciers ont provoqué l’insécurité et perturbé la quiétude des citoyens burundais. Ils sont à l’origine des actes de criminalité qui engendrent parfois des règlements de compte.
2. Conclusions et recommandations : le travail en synergie s’impose
A l’issue de ce rapport, la CNIDH a recommandé au Gouvernement de poursuivre sa politique de désengorgement des prisons par l’application des TIG et la libération des prisonniers en détention illégale ou de maladie grave, de toujours respecter ses engagements internationaux et de prendre toutes les mesures pour la mise en œuvre des droits économiques et socioculturels (DESC).
Par ailleurs, la CNIDH a recommandé aux partenaires au développement d’appuyer les efforts du Burundi dans la mise en œuvre du PND 2024-2027. La prise en compte de ces recommandations interpelle les acteurs étatiques et non-étatiques, nationaux et internationaux, de conjuguer les efforts et s’impliquer davantage dans l’amélioration des droits de l’homme au Burundi.
Publiée le 02/03/2024 à 22h03min Partager